A la découverte d’une palombiere
Kévin Brustis
Régulièrement, je partirai en expédition dans les zones reculées du Bassin d’Arcachon et du Val de L’Eyre, pour parler des traditions ancestrales de notre territoire, toujours bien ancrées dans notre patrimoine.
Cette semaine, je suis parti à la rencontre de Bernard Panatier, chasseur à la Palombe, dans des terres situées entre les communes de Belin-Béliet et Lugos.
Sa palombière, « Le Pas de Charles », tient son nom de Charlemagne. Puisque selon la légende, c’est non loin de cet endroit que Charlemagne, au retour de son expédition contre les Sarazins et l’ETA de l’époque aurait franchi la Leyre. Hormis les chasseurs, peu de lugosiens connaissent ce « haut » lieu de la commune.
Le principe de cette chasse est immuable : il s’agit en manœuvrant des appeaux (ou appelants) d’attirer les vols de passage pour les faire se poser d’abord sur les arbres de la palombière, et ensuite de faire descendre au sol les oiseaux pour les capturer vivants au filet. Le but est donc d’imiter avec ces « appelants », qui sont des pigeons domestiques ou des palombes, des oiseaux en train de se poser, de se restaurer ou de se reposer dans le bois.
La palombière de Bernard est une palombière dite « au sol ». Ce type de palombière est habituellement rencontré dans les Landes, mais aussi en Gironde, dans le Gers et le Lot-et-Garonne. Il n’y a que dans ces départements qu’il est autorisé d’installer des filets au sol. Dans les autres départements, et si la configuration du bois s’y prête, on pourra trouver des palombières au sol mais sans filets. Dans ce cas, les chasseurs tirent simplement au fusil les palombes lorsqu’elles sont posées sur les arbres.
Les chasseurs sont donc cachés dans une cabane d’où ils manœuvrent des mécaniques. Pour y accéder, un chemin qui passe à travers la forêt et qui m’emmène jusqu’à un portail, avec une sorte de câble en fer sur lequel je dois tirer pour savoir si je peux continuer à avancer. Une fois l’autorisation reçue, après une centaine de mètres à pied à travers la forêt, je tombe nez à nez sur une immense cabane. Cette cabane est au sol, d’une taille assez importante et très bien camouflée. « Le Pas de Charles » est une palombière composée de 2 garages, d’une cuisine, d’une « oueytte » (- vue en gascon – entendez par là « le poste de commandement »), avec plus de 380 m de tunnels, entourée de 4 hectares de terrain. Plusieurs sols et les kilomètres de couloirs camouflés permettent aux chasseurs de se déplacer dans la forêt sans être vus.
J’apprends alors qu’à 5h du matin, les chasseurs s’y donnent rendez-vous de début octobre à fin novembre. Ils vont ainsi chaque jour installer les appeaux pour que tout soit prêt vers 7h30, heure à laquelle le soleil se lève. Dès que tout est prêt, ils se réunissent dans la oueytte : le poste de commandement, surmonté d’un capuchon en vitres teintées. Ils peuvent ainsi suivre à travers l’évolution du vol, y compris à l’arrière du poste. C’est pourquoi d’ailleurs certains s’installent sur un fauteuil pivotant pour rester tout le temps en contact visuel avec le vol. Le poste est d’ailleurs toujours orienté nord, nord-est, face au passage. Les chasseurs élaguent tous les ans les arbres obstruant leur champ de vision, de nombreux chênes, qui masquent l’arrivée des palombes. En effet, pour pouvoir les « travailler » correctement, les palombes doivent être aperçues assez tôt. Ma rencontre avec Bernard est clairement rare : je découvre un véritable passionné, présent sur ces terres depuis sa naissance, et déjà à 15 ans, était-il surpris à courir dans les couloirs des palombières de Belin Béliet. Une rencontre à découvrir en podcast ci-dessous.